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Cloé

Les aires protégées, un outil de conservation contre l’érosion de la biodiversité

A l’heure où les scientifiques évoquent une sixième extinction de masse, l’érosion de la biodiversité constitue un défi majeur à l’échelle planétaire. Considérant les biens essentiels que fournissent la biodiversité et les écosystèmes à l’Homme, il devient urgent de renforcer la restauration, conservation et valorisation de notre richesse naturelle pour agir efficacement face à la dégradation environnementale qui persiste.


En ce sens, les aires protégées représentent un des piliers des politiques de conservation de la nature. L’Union Internationale de Conservation de la Nature (UICN) les définit commeun espace géographique clairement défini, reconnu, consacré au gré, par tout moyen efficace juridique ou autre, afin d’assurer à long terme la conservation de la nature ainsi que les services écosystémiques et les valeurs culturelles qui lui sont associées.” Qu’elles soient considérées sauvages ou non, elles contribuent au ralentissement de la dégradation de l’environnement en protégeant les espèces menacées par les activités humaines tout en assurant les services écosystémiques.


Pour encourager la valorisation des aires protégées, l’Union Internationale de Conservation de la Nature (UICN) a instauré en 2012 la Liste Verte. Ce document qui tend à renforcer l’évaluation des aires et l'efficacité de leur gouvernance dans une dimension durable, incarne un label international fondé sur un standard de 17 critères de qualité déclinés en 50 indicateurs.



Protéger durablement et rendre visible la plus-value d’une protection à un territoire sont des enjeux primordiaux. Le rapport de la Plateforme Intergouvernementale sur la Biodiversité et les Services Écosystémiques (IPBES) de 2019 estime qu’environ 1 million d’espèces animales et végétales sont aujourd’hui menacées d’extinction. Si la biodiversité constitue un capital pour l’avenir, les pressions sur les milieux naturels ne cessent de s’amplifier. En cela, le changement climatique représente un défi auquel la gestion d’aires protégées doit s’adapter. A cet égard, des scientifiques ont élaboré des modèles prévisionnels, cherchant à rendre compte des impacts des changements climatiques, des réponses adaptatives et de l'évolution des relations écologiques au sein des populations. Les constats ont incité certains à développer de nouvelles stratégies de conservation incluant la reconfiguration du périmètre de l'aire protégée afin qu’elle suive l’évolution probable de l’espèce ciblée et qu’elle coïncide davantage avec les enjeux futurs de conservation, ou encore la réalisation de translocations d’espèces dans des zones au climat plus favorable.


Une gouvernance à l’échelle internationale


Si ces décisions relèvent d’ordre technique, elles sont également le fruit d’une volonté politique de conservation. En 2010, les Parties à la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) ont défini à Nagoya les 20 Objectifs d’Aichi au sein du Plan stratégique pour la biodiversité 2011-2020. L’objectif 11 concernait directement la protection des aires protégées et visait une couverture minimale de 17% des zones terrestres et 10% des zones marines et côtières internationales. Le rapport publié en 2020 conjointement par l’UICN et le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) atteste de la progression de l’étendue des aires protégées au travers du globe, couvrant au moins 17% des terres. Cependant, l’objectif n’avait pas été atteint dans les milieux marins, où la superficie couverte était limitée à 8%. Malgré la progression des aires protégées, l’érosion de la biodiversité persiste. Pour cause, seules 11% des aires ont évalué l’efficacité de leur gestion et moins de 22% des espèces menacées d’extinction sont aujourd’hui protégées de façon adéquate selon le rapport. Les Etats sont ainsi attendus pour la deuxième partie de la COP 15 à Montréal en décembre 2022 pour fixer le nouveau cadre mondial de la biodiversité et définir la stratégie d’ici 2030.


La Stratégie Nationale des Aires Protégées


A l’échelle européenne, la Commission a adopté la stratégie en faveur de la biodiversité en mai 2021, fixant l’objectif 30x30 de protection d'au moins 30% de la surface terrestre et 30% de la surface marine d’ici 2030, dont au moins un tiers sous protection forte. Un objectif également porté par la France, et présenté par le Président Emmanuel Macron à l’annonce de la Stratégie Nationale des Aires Protégées (SNAP) lors du One Planet Summit en janvier 2021.


Bénéficiant d’un patrimoine vivant d’une richesse inouïe, abritant 10% des espèces connues et 7 millions d’hectares de forêts tropicales, la France a une responsabilité de conservation. La Stratégie Nationale des Aires Protégées expose, pour la première fois, une vision globale en reconnaissant le lien évident entre les enjeux terrestres et marins en métropole et en outre-mer. Avec pour ambition de contribuer à enrayer la perte de biodiversité et de favoriser la résilience de la nature face aux changements globaux, la nouvelle stratégie renforce l'implication des acteurs territoriaux à l’horizon 2030. Pour cela, le document affiche la création de nouvelles aires protégées, insiste sur une gestion efficace des aires qui s’adapte aux évolutions des enjeux écologiques et socio-économiques et questionne les priorités pour l’atteinte de 30% du territoire national et des eaux maritimes sous juridiction protégée.




Zoom sur le rôle des collectivités


La stratégie prône un cadre ambitieux, celui d’une intégration territoriale forte et cohérente. A cet instar, les collectivités se voient dotées de compétences élargies en matière de biodiversité et le plan d’actions 2021-2023 les identifie comme partenaires essentiels du développement du réseau d’aires protégées. Entre autres, elles contribuent à créer et étendre vingt réserves naturelles nationales et quatre parcs nationaux, à protéger les récifs coralliens, à recenser des nouvelles zones à protéger, à définir et mettre en œuvre des plans d’action territoriaux tout en assurant la valorisation et reconnaissance des outils de gestion qui contribuent à la conservation des écosystèmes.


Le cas de l’archipel des Glorieuses


L’archipel des Glorieuses, administré par les Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF), est l’un des cinq territoires qui constituent le district des îles Eparses dans l'océan Indien. Situé au cœur de l’un des 35 “points chauds” de la biodiversité mondiale, il est caractérisé par une grande diversité d’habitats côtiers et océaniques dont la forte connectivité avec les îles et côtes voisines contribue à renforcer la résilience des écosystèmes de la région. La richesse de la biodiversité locale comprend 2 567 espèces dont environ 20% sont inscrites sur les annexes des conventions régionales et internationales et/ou sont répertoriées sur la Liste Rouge de l’UICN. Il constitue d’ailleurs un site exceptionnel de reproduction des tortues marines vertes et des tortues imbriquées. Cependant, de fortes pressions anthropiques pèsent sur ces écosystèmes : la pêche illégale, le braconnage, la présence d’espèces exotiques envahissantes, la fréquentation humaine contribuent à leur dégradation. A cela s'ajoutent les effets des changements climatiques, accentués en milieux insulaires et tropicaux.


Malgré les avancées permises par le Parc Naturel Marin des Glorieuses créé en 2012, alors seul outil de gestion du patrimoine naturel applicable au-delà des eaux territoriales sous juridiction française, les menaces croissantes continuaient d’endommager les patrimoines maritime et terrestre. Ainsi, face à la nécessité de renforcer la protection de manière intégrée, efficace et pérenne, les TAAF et l’Office Français de la Biodiversité ont identifié l’outil de Réserve naturelle nationale (RNN) comme le mieux adapté aux enjeux écologiques du territoire. Des travaux scientifiques ont permis de cartographier les zones à fort enjeux de conservation dont les périmètres de protection forte, et une réglementation affirme deux principes : la préservation et restauration des fonctionnalités écologiques et l’encadrement des activités humaines au sein de la réserve. Ces travaux ont permis d'instaurer la réserve naturelle nationale de l’archipelle des Glorieuses par le décret du 8 juin 2021, entraînant la disparition du parc marin. La gouvernance, du ressort de l'administration des TAAF, est désormais soutenue par un Comité scientifique et un Comité consultatif.


La création de la réserve naturelle nationale incarne une concrétisation de la SNAP et répond aux engagements de la France à classer 30% de son espace en aires protégées d’ici 2030 et à protéger 100% des récifs coralliens d’ici 2025.


Le tableau de bord des aires protégées françaises de 2021 publié par le Comité Français de l’UICN recense 5923 aires protégées représentant 34,7% de son territoire, soit 34,9% de nos océans, mers et littoraux et 32,4% des terres.


Une stratégie contestée


Les ONG de défense de la nature, telles que FNE, Greenpeace, Oceana, Bloom ont rapidement signalé leur déception face au manque d’ambition de la SNAP et la limite des outils légaux pour veiller à la conservation des écosystèmes. En particulier, le Comité Français de l’UICN et le Comité National de la Biodiversité (CNB) ont manifesté la nécessité de corréler les objectifs quantitatifs à des critères qualitatifs - tels que la cohérence écologique du réseau, la connectivité et la contribution à la résilience des écosystèmes - pour assurer l’objectif principal de conservation. Pour cela, le Comité Français de l’UICN insiste sur la nécessité d’un suivi régulier et d’un bilan qualitatif basé sur “des indicateurs précis et mesurables”.


Par ailleurs, de nombreuses contestations pointaient le flou autour de la notion de “protection forte” et des modalités de décompte des zones concernées. En réponse, un décret a été adopté ce 12 avril 2022 par le Ministère de la Transition Écologique. La protection forte, non une nouvelle catégorie d’aires protégées, mais une catégorisation répondant à une qualité environnementale, y est définit ainsi dans l’article premier : “une zone géographique dans laquelle les pressions engendrées par les activités humaines susceptibles de compromettre la conservation des enjeux écologiques sont absentes, évitées, supprimées ou fortement limitées, et ce de manière pérenne, grâce à la mise en œuvre d’une protection foncière ou d’une réglementation adaptée, associée à un contrôle effectif des activités concernées”. Les autres articles du décret apportent des précisions sur les modalités de mise en œuvre pour les milieux terrestres et maritimes.


D’un autre côté, le Comité Français de l’UICN regrette que l’objectif de pleine naturalité favorisant des approches non interventionnistes ne figure pas dans la stratégie. Pourtant déjà déployé avec succès dans plusieurs réseaux, en particulier les réserves biologiques intégrales, cet objectif est non assimilable à la notion de protection forte.


Enfin, le manque d’éléments concernant le financement de la stratégie, dont l’efficacité de la protection dépend, retient l’attention des deux comités. Ils insistent sur la nécessité d’augmenter significativement les moyens dédiés aux aires protégées pour notamment assurer leur gestion, leur contrôle et leur surveillance.







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